Elles ferment les unes derrière les autres: les urgences en obstétriques, pédiatrie ou gériatrie. Les hôpitaux au bord de la rupture doivent limiter l'admission des femmes enceintes ou des enfants pour assurer la continuité des soins aux malades les plus urgents. Tout le territoire portugais est concerné.
À Lisbonne, la capitale du Portugal, trois établissements hospitaliers n'assurent plus les urgences nocturnes de maternité et renvoient les patientes vers d'autres unités. Le manque de médecins et d'infirmiers pour assurer la continuité du travail est flagrant.
Surtout en période de ponts comme ce fut le cas entre le 10 et le 13 juin, une semaine marquée par trois jours fériés. Un peu plus tôt, un bébé est mort faute de chirurgien pour pratiquer une césarienne, un drame qui fait l'objet d'une enquête.
Pénurie d'effectif et de moyens, manques structurels
Même si les fermetures des services spécialisés sont ponctuelles, elles traduisent une grave situation de pénurie d'effectif et de moyens. Les syndicats du secteur de la santé tirent sur la sonnette d'alarme avec une régularité de métronome.
Le secteur public souffre d'un manque de spécialistes, qui se tournent vers le privé faute de conditions matérielles correctes et de salaires peu attrayants. Selon l'OCDE en 2019 les médecins gagnaient moins que dix ans auparavant, compte tenu de l'inflation.
En ce qui concerne les infirmières, le Portugal est le cinquième pays payant le plus mal ses infirmières en Europe, à peine devancés par les pays de l'Europe de l'est. En tête des mieux payées, le Luxembourg. Mais les spécialistes alertent sur le fait que le problème va bien au-delà de la question rémunératoire. Les manques structurels sont flagrants.
Un système en besoin de remodelage
L'économiste Nadim Habib, spécialiste de la santé, affirmait récemment que le système national de santé a été conçu dans les années 70 pour une population qui n'existe plus. Redéfinir un modèle est urgent mais n'est pas facile.
D'autant plus que la question est largement politique. Ce sont des désaccords sur les questions de santé qui ont entraîné la chute du gouvernement d'Antonio Costa à la fin de l'année 2021, en raison de divergences idéologiques avec les partis d'extrême gauche.
Il s'agit bien en effet de défendre le service public de la santé. Antonio Costa, qui a entendu le message d'alerte, vient d'ailleurs de s'engager sur la nécessité de concrétiser les réformes. Les négociations s'annoncent plus que difficiles et vont durer plusieurs mois.
Dans l'urgence et face aux difficultés actuelles, la ministre de la santé Marta Temido a proposé une augmentation de 50 euros des heures supplémentaires des médecins.
Les syndicats ont refusé. La mesure avancera quand même. La ministre qualifiée d'héroïne pour sa gestion de la crise Covid se retrouve désormais dans le rôle du pompier chargé d'éteindre l'incendie actuel avec un arrosoir - les urgences sont devenues urgentes.